Publication de notre 1er article -> Le monde académique en chemin vers la sobriété

Le premier article collaboratif issu des résultats des sessions de l’atelier Ma Terre en 180 Minutes de l’année 2021 vient d’être publié dans PLOS Sustainability and Transformation. Merci à toutes et tous !


Un collectif de 57 personnels de recherche promeut une décarbonation des activités scientifiques
telle qu’expérimentée avec Ma Terre en 180 Minutes. Cet atelier collaboratif, qui a mobilisé près
d’un millier de personnes au sein du monde académique, a permis d’esquisser les principes d’une
pratique alternative des métiers de la recherche, sobre, inclusive et plus respectueuse des limites
planétaires et des personnes.

La décarbonation est l’une des transformations majeures que doivent opérer les sociétés humaines
modernes pour assurer un avenir durable et désirable. L’Agenda 2030 des Nations Unies pour le
développement durable souligne la nécessité d’accélérer la décarbonation de tous les secteurs de
notre économie (Objectif de Développement Durable 13). Au sein du monde académique français, il
semblerait qu’une petite révolution soit en marche, dans le contexte de crises sanitaire, énergétique
et climatique qui se succèdent et ébranlent jour après jour le dogme du modèle socio-économique
extractiviste.

Successivement, le rapport spécial 1.5° du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évolution du
Climat
(GIEC) en 2018, le rapport Jouzel et l’élaboration du plan Climat-Biodiversité et transition
écologique
ont mené à la mobilisation générale en 2022, et la ministre de l’Enseignement supérieur
et de la Recherche (ESR) a alors invité tous les personnels de l’ESR à expérimenter et incarner la
transition bas-carbone et la réduction de leur impact environnemental dans la pratique de leurs
métiers. Si l’appel ministériel est louable, la tâche est loin d’être aisée pour les organismes et leurs
directions, car les logiques de performance et de reconnaissance internationale prédominent, même
si une large part de chercheur·e·s, d’enseignant·e·s chercheur·e·s, de personnels administratifs et
techniques, de doctorant·e·s interrogent le modèle et le remettent en cause (enquête de décembre
2020 du collectif Labos1point5
et tribune de scientifique dans Le Monde de mars 2019).

Par conséquent, comment passer du constat à l’action ?

Construit par et pour le monde académique, l’atelier Ma Terre en 180 minutes immerge six à dix
participant·e·s au sein d’équipes de recherche virtuelles carbonées, et leur propose de scénariser une
pratique sobre, s’inscrivant dans le cadre de l’accord de Paris qui prévoit une réduction de 40 % des
émissions globales françaises d’ici 2030 par rapport à 1990 (loi énergie-climat de novembre 2020 et
feuille de route Européenne Fit for 55 de juin 2022). L’atelier repose sur le postulat d’un effort
équitablement distribué et consenti, autrement dit, d’une transition climatique indissociable d’une
forme de justice sociale.

Déployé en présentiel, distanciel et mixte, l’atelier Ma Terre en 180 minutes a rassemblé un millier de
participant·e·s de plus de 50 villes et 9 pays. Les données recueillies lors des 85 premiers ateliers ont
été analysées et présentées ce 17 mars dans la revue PLOS Sustainability and Transformation. Elles
révèlent le poids important des vols longs courrier dans le bilan de gaz à effet de serre (GES) des
activités de recherche (hors achats). Les résultats montrent également qu’un mélange d’alternatives
simples et équitables entre les différents statuts (jeunes chercheur·e·s, partenaires étrangers …)
permet de réduire les émissions à hauteur des objectifs (46 % de réduction médiane, hors achats).
Les alternatives permettant la plus grande réduction des émissions sont l’usage d’outils de
communication vidéo (36 %), suivies par la mutualisation des activités professionnelles et
l’annulation ou la réduction volontaire, qui représentent respectivement 22 et 14 % des réductions
proposées. Les chercheur·e·s devraient-ils alors ralentir pour savoir où atterrir, selon la formule de
Bruno Latour
 ?

C’est fort possible, du moins si l’on se reporte au récent sondage publié dans la revue Nature, et
selon lequel près de deux-tiers des personnes sondées dans le monde de la recherche ont réduit
volontairement leur participation à des conférences (en présentiel) suite à la crise COVID. Dans notre
étude, la réduction des conférences fortement émettrices de GES est également l’alternative la plus
plébiscitée.

Utilisés depuis près de 40 ans en réponse aux enjeux climatiques, les serious game stimulent nos
réflexes cognitifs, modifient notre perception des enjeux climatique et interrogent nos
comportements individuels et collectifs, en combinant la pédagogie et le ludique. Cette étude unique
a permis de prendre conscience que la recherche scientifique peut réduire significativement ses
émissions. La démarche sera cependant performative si les pistes esquissées par les personnels
nourrissent les stratégies des établissements et permettent la mise en place d’actions de réduction
audacieuses, équitables et acceptables, puisque plébiscitées tant par les personnels qu’ils
administrent, que par les ministères dont ils dépendent
. C’est la voie que prennent plusieurs
structures
(CNRS et IRD) qu’il convient d’amplifier au sein de l’ESR et au-delà, en adaptant l’atelier au
milieu scolaire, aux collectivités et aux entreprises, cet atelier offrant une méthode unique clé en
main et inclusive pour passer de la sensibilisation à l’action. Cela dans l’objectif de porter une science
responsable et qui propose des solutions avec et pour la société.

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Mis à jour le 7 avril 2023